La Propriété effective en droit : Définitions et seuils

Opérationnalisation des définitions et des seuils

Au moment d’appliquer ces principes dans la rédaction des définitions et la détermination des seuils de divulgation dans la pratique, il est important que les exécutants élaborent des plans concrets pour la révision et l’évaluation périodiques des niveaux de seuil, et potentiellement aussi de la définition de la propriété effective, afin de voir si ces derniers servent les objectifs politiques. Les acteurs illicites continueront à chercher de nouveaux moyens d’échapper aux exigences de divulgation, notamment en réduisant leurs participations afin de passer en dessous des seuils. Une fois que les systèmes de collecte et de publication des données sont établis, les exécutants devraient procéder à une évaluation détaillée des premières divulgations, en évaluant la qualité et la couverture des données, et en déterminant si la définition et le niveau du seuil se sont avérés adéquats pour des divulgations qui soutiennent leurs objectifs politiques. Les autorités pourraient envisager d’utiliser une telle évaluation pour déterminer quelles sont les failles de la définition. Dans le cadre du processus de conception itératif sur lequel les réformes sur la propriété effective sont idéalement basées, les autorités pourraient également évaluer les avantages et les compromis potentiels liés à l’abaissement du seuil. Des révisions à la baisse des seuils devraient également être envisagées dans les cas où des activités importantes de blanchiment de capitaux ont été détectées, tel que souligné dans l’affaire du blanchiment russe susmentionné. Les modifications fréquentes d’autres aspects de la définition de la propriété effective ne devraient pas être nécessaires si la loi originale est formulée selon les explications précédemment données dans la présente note d’orientation.

Il est également essentiel que les gouvernements fournissent aux entreprises des orientations claires sur les moyens d’identifier les bénéficiaires effectifs qualifiés et de calculer les pourcentages de propriété indirecte. Il pourrait s’avérer utile de tester les formulaires de divulgation et le processus avec un certain nombre d’entreprises cibles avant de déployer complètement les obligations de divulgation. Cette mesure pourrait alerter les exécutants de tout problème que les entreprises pourraient rencontrer dans la compréhension des obligations de divulgation,et permettra de juger si le seuil choisi permet de collecter suffisamment d’informations. La production d’orientations détaillées et d’outils visuels pour aider les entreprises à comprendre et à se conformer aux règles de divulgation constituera une composante essentielle de ces efforts. [49]

Afin de maximiser l’utilité des données, celles-ci devraient être aussi claires et détaillées que possible. Les gouvernements devraient exiger la divulgation et la publication de la manière dont un individu exerce un pouvoir sur une entreprise, y compris le pourcentage exact de propriété et de contrôle, et une déclaration indiquant si la participation est détenue directement ou indirectement,le cas échéant. Le fait de ne pas le faire entrave l’interprétation et l’utilisation des données. Par exemple, actuellement,le régime de divulgation du Royaume-Uni n’exige que la sélection de tranches — plus de 25% et jusqu’à 50%, plus de 50% et moins de 75%, et 75% ou plus [50] — ce qui limite considérablement l’interprétation et la mise en relation des données avec d’autres registres. Lorsque les gouvernements ont mis en place des seuils différents pour les différentes sections de l’économie, il sera également important de s’assurer que les utilisateurs/trices des données sur les bénéficiaires effectifs comprennent les seuils sur lesquels les divulgations du bénéficiaire effectif ont été déterminées afin qu’ils puissent interpréter les données correctement.

Enfin, les gouvernements devraient imposer des obligations de divulgation aux entreprises dans lesquelles aucune personne n’atteint le seuil ou la définition de bénéficiaire effectif. Il est possible qu’aucune personne ne réponde aux critères de déclaration énoncés dans une définition juridique du conflit d’intérêts, même si cette définition est solide et que les seuils sont bas. Dans ce cas, il est recommandé aux pays d’exiger la divulgation du nom d’une personne physique occupant un poste de haut niveau et exerçant des responsabilités de gestion au sein de l’entreprise concernée. De nombreux pays — dont l’Argentine, la République de Corée et les États membres de l’UE dans le cadre de l’AMLD5 [51] — exigent plutôt la communication des noms des hauts responsables de l’entité concernée (par exemple, les directeurs/trices, le PDG ou les membres du conseil d’administration). L’ITIE, dans le cadre de ses travaux sur les divulgations du bénéficiaire effectif des entreprises minières, pétrolières et gazières, a cité l’exemple du Liberia comme un exemple de bonne pratique. Dans ce pays, où aucune personne physique ne répond à la définition du bénéficiaire effectif, l’entité déclarante devrait déclarer l’identité des individus détenant les cinq plus grandes participations dans l’entreprise. [52]

S’il est important de relever que ces personnes ne sont pas nécessairement des bénéficiaires effectifs, il est préférable, à des fins d’application de la loi, d’avoir le nom d’une personne ayant une responsabilité réelle dans la société plutôt que de ne pas avoir de nom du tout (ou les noms des agents de formation). Lorsque c’est le cas, il convient d’indiquer dans les données publiées que ces personnes ont été divulguées parce qu’il n’existait pas d’autres personnes pouvant être considérées comme des bénéficiaires effectifs selon la définition juridique du pays.

Notes de bas de page

[49] OO a mis au point un certain nombre d’outils afin de contribuer à l’élaboration de ces orientations, notamment un langage visuel qui pourrait permettre d’illustrer les structures de propriété effective de manière claire et cohérente: https://www.openownership.org/visualisation/.

[50] Companies House et Département des Affaires, de l’Énergie et des Stratégies industrielles, « Summary guide for companies - register of people with significant control » (Guide synthétique des entreprises – registre des personnes exerçant un contrôle significatif), Février 2018. Disponible à l’adresse: https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/621568/170622_NON-STAT_Summary_Guidance_4MLD_Final.pdf [consulté le 29 septembre 2020].

[51] Journal officiel de la République argentine, « Federal Administration of Public Revenue » (Administration fédérale des recettes publiques), 15 avril 2020.Disponible à l’adresse: https://www.boletinoficial.gob.ar/detalleAviso/primera/227833/20200415 [Consulté le 29 septembre 2020].

[52] Secrétariat international de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives, « Note d’orientation 22 sur les moyens de divulgation du bénéficiaire effectif (feuille de route) », avril 2016. Disponible à l’adresse: https://eiti.org/GN22 [Consulté le 29 septembre 2020].

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