Rendre publics les registres centraux des bénéficiaires effectifs

Présentation

Les réformes liées à la propriété effective suscitent de nombreuses discussions principalement axées sur la nécessité ou non d’ouvrir et de rendre les données accessibles au public, mais aussi sur la vie privée et les risques pour la sécurité des personnes. Ce sont des sujets connexes importants sur lesquels les exécutants doivent se pencher sérieusement. La transparence de la propriété effective étant un domaine relativement nouveau en politique, les conséquences de la publicité des registres ne sont pas encore bien documentées. Néanmoins, des premiers renseignements sur la publicité des données relatives aux bénéficiaires effectifs et ses avantages apparaissent dans les juridictions où les registres ont été rendus publics.

Certaines données personnelles, comme les listes électorales et les permis de construire, sont publiées, rendues publiques et, pour la plupart, acceptées depuis longtemps.Cependant, la publication des données relatives aux bénéficiaires effectifs a soulevé de vives inquiétudes quant au respect de la vie privée. Certains ont mis en doute sa proportionnalité pour atteindre des objectifs politiques, affirmant, par exemple, que la plupart des chefs d’entreprise ne sont pas des délinquants financiers. D’autres ont exprimé leurs craintes quant aux risques pour la sécurité personnelle.Tout cela en dépit du fait que souvent, les données relatives aux actionnaires sont déjà accessibles au public (parfois contre une somme modique). Ainsi, les réformes en faveur de la transparence de la propriété effective concerneraient uniquement les personnes impliquées dans des structures de propriété complexes et potentiellement suspicieuses. Par ailleurs, il n’existe aucun exemple de dommage grave lié à la publication de données relatives aux bénéficiaires effectifs dans des registres ouverts.

Plus de 100 juridictions se sont engagées à mettre en oeuvre des réformes en faveur de la transparence de la propriété effective, et plus de 40 ont pris cet engagement en 2020. Ces réformes ont lieu dans un contexte mondial où des données personnelles sont générées en ligne tousles jours, à un rythme que bien des organismes de règlementation ont encore du mal à suivre. Par exemple, l’Union européenne a adopté la cinquième directive anti-blanchiment, obligeant tous les États membres à rendre publics leurs registres des bénéficiaires effectifs, la même année que celle de l’application du Règlement général sur la protection des données (RGPD), le texte européen de référence en matière de protection des données à caractère personnel. Par la suite, plusieurs poursuites ont été intentées contre la publication des données personnelles dans les registres des bénéficiaires effectifs au titre du RGPD. Il est important que les tribunaux s’emparent de ces affaires. Leur verdict influencera sans aucun doute le débat. Dans d’autres pays, comme le Mexique, il existe certaines inquiétudes concernant le kidnapping et la sécurité personnelle. Ces points doivent être évalués et compris.

Dans le cadre de la divulgation des bénéficiaires effectifs, la publication de données, personnelles ou non, a des conséquences connues et inconnues. Les données relatives aux bénéficiaires effectifs se distinguent de bien d’autres ensembles de données accessibles, comme les données contractuelles, car elles doivent contenir des informations personnellement identifiables pour être utiles et atteindre leur but. Les exécutants et les défenseurs de la transparence doivent examiner attentivement les risques potentiels et les moyens d'en atténuer les effets dans des contextes spécifiques avant de plaider pour que les informations soient rendues publiques. Par conséquent, cette note d’orientation politique ne prétend pas inciter toutes les juridictions à rendre publicsleurs registres des bénéficiaires effectifs. Au contraire, elle met en lumière les bénéfices qui en découlent en analysant l’aptitude de différents groupes d'utilisateurs à utiliser des données rendues publiques, et en identifiant les avantages qu’ils en tirent.

Avantages pour les utilisateurs du secteur public :

  • améliorer la rapidité et la facilité d’accès pour les utilisateurs du secteur public;
  • favoriser l’utilisation des données dans d’autres domaines politiques;
  • permettre le contrôle de l’utilisation des données.

Avantage pour les utilisateurs du secteur privé:

  • gérer les risques et renforcer le respect des règlementations gouvernementales;
  • développer la confiance dans l’intégrité du milieu des affaires;
  • placer les entreprises sur un pied d’égalité;
  • améliorer la gouvernance environnementale et sociale (GES);
  • créer de la valeur économique grâce à la réutilisation des données.

Avantages pour les utilisateurs de la société civile:

  • mener des enquêtes sur la criminalité financière et la corruption;
  • autoriser un contrôle et demander aux gouvernements de rendre des comptes;
  • vérifier les données par l’utilisation;
  • décourager l’utilisation abusive des entités juridiques.

La présente note d’orientation soutient que les décideurs politiques disposent de suffisamment de données factuelles pour agir en partant du principe qu’un registre public servira l’intérêt général. L’Europe ayant rendus publics la plupart des registres, les exemples contenus dans le présent document sont en grande partie tirés de pays européens. Néanmoins, les avantages s’appliquent également à d’autres contextes. Les éventuelles conséquences négatives varieront en fonction de la juridiction et devront être bien comprises.

Ainsi, cette note d’orientation décrit et analyse les différents aspects à prendre en compte par les exécutants, tels que:

  • rassembler les données relatives aux bénéficiaires effectifs dans un registre central;
  • rendre les données accessibles sous forme de données ouvertes et structurées : elles doivent être accessibles et exploitables sans aucun obstacle lié au paiement, à l’identification ou l’enregistrement, à la collecte de données sur les utilisateurs du registre ou à l’application d’une licence restrictive, mais aussi consultables par l’entreprise et le bénéficiaire effectif;
  • établir un cadre légal et définir un objectif général pour la publication des données, conformément aux lois sur la protection des données et la vie privée;
  • réduire les éventuelles conséquences négatives de la publication en:
    • limitant les informations collectées au strict nécessaire (minimisation des données);
    • mettant à la disposition du public un sous-ensemble de données plus restreint que pour les autorités nationales, par l’omission de champs de données particulièrement sensibles et inutiles pour atteindre les objectifs recherchés (accès limité);
    • établissant un régime de protection qui prévoit des exemptions de publication dans les cas où une personne est exposée à des risques disproportionnés.

Les réformes en faveur de la transparence de la propriété effective doivent reposer sur les objectifs politiques que les gouvernements souhaitent atteindre.a La nature raisonnable, proportionnée et justifiée de la publicité des données variera en fonction du domaine politique.Lorsqu’elle est correctement mise en œuvre, la transparence de la propriété effective peut contribuer à servir un large éventail d’objectifs politiques. Ainsi, plus elle est utile aux objectifs politiques, plus les avantages pour la société sont importants. Par conséquent, cette note d’orientation adoptera une approche globale et se concentrera sur l’utilisation des données et les groupes d’utilisateurs, tout en faisant référence aux objectifs politiques individuels.

Figure 1. Maximisation des avantages et limitation des éventuelles conséquences négatives de la publicité des registres centraux des bénéficiaires effectifs
Maximisation des avantages et limitation des éventuelles conséquences négatives de la publicité des registres centraux des bénéficiaires effectifs

Avec la mise en place des registres publics des bénéficiaires effectifs, des groupes d’utilisateurs issus du secteur public, du secteur privé et de la société civile bénéficient d’un accès qui est avantageux dans plusieurs domaines politiques.

Pour rendre publics les registres des bénéficiaires effectifs, les gouvernements doivent:

  • rassembler les données relatives aux bénéficiaires effectifs dans un registre central
  • rendre les données accessibles et utilisables
  • établir un cadre légal solide
  • limiter les conséquences négatives potentielles en:
    • respectant le principe de minimisation des données
    • mettant en place un système d’accès limité
    • établissant un régime de protection

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