Vérification des données sur la propriété effective

Vérification après la transmission

La vérification après la transmission doit :

  • veiller au contrôle fréquent des données ;
  • veiller à la mise à jour des données ;
  • veiller à ce que les informations suspectées d'être incorrectes fassent l'objet d'une enquête.

Il existe diverses approches générales de la vérification après la transmission, notamment les contrôles après la publication des informations sur les bénéficiaires effectifs. À l’instar des contrôles de vérification au moment de la transmission, plusieurs approches peuvent être déployées afin de se compléter et de renforcer mutuellement la fiabilité et l’exactitude des informations.

Veiller au contrôle fréquent des données

Registres des bénéficiaires effectifs ouverts et publics

En rendant publics les registres, le secteur privé, la société civile et le grand public ont la possibilité de contrôler les erreurs accidentelles et les faux délibérés. D’après des recherches, la publication des données peut améliorer la qualité des données. En effet, une plus grande utilisation des données augmente la probabilité d’identifier les incohérences ou les infractions potentielles. [6] Pour que cette mesure de vérification soit efficace, des mécanismes doivent être mis en place pour signaler les erreurs, les divergences et les informations contradictoires. Par ailleurs, ils garantissent d’autres avantages au secteur privé qui devraient l’emporter sur les coûts. [7]

Bien qu’il n’existe aucun exemple documenté de préjudice entrainé par l'ouverture au public des registres, [8] les détracteurs citent fréquemment les problèmes de confidentialité comme argument contre les registres publics. Les gouvernements devraient divulguer uniquement les données nécessaires pour assurer surveillance et transparence, et pourraient inclure des dispenses en cas de soucis légitimes.

Exemple : le Royaume-Uni

En novembre 2016, après avoir analysé 1,3 million d’entreprises du registre britannique des bénéficiaires effectifs, Global Witness et un groupe d’ONG ont informé la Companies House, l’organisme chargé de l’administration du registre, que plus de 4 000 entreprises avaient des informations non admissibles. [9]

Analyse/contrôle des échantillons

Les organismes responsables des registres des bénéficiaires effectifs peuvent mener des enquêtes approfondies sur des échantillons de données ou demander à des parties externes de le faire. Ces analyses peuvent dissuader les entreprises de transmettre de fausses informations. L’analyse des échantillons n’est probablement pas un mécanisme de vérification très efficace, et peut nécessiter des ressources considérables, mais elles peuvent être limitées à l’aide d’une approche fondée sur le risque.

Exemple : le Danemark

Afin de s’assurer que les informations sur les bénéficiaires effectifs du registre central des entre prises sont exactes et à jour, l’Office danois des entreprises a commencé en 2019 à vérifier manuellement 500 entreprises et l’enregistrement de leurs bénéficiaires effectifs. [10]

Veiller à la mise à jour des données

Exigence de mise à jour des informations en cas de modification

Les informations sur les bénéficiaires effectifs doivent être rapidement mises à jour après une modification. Un délai court et fixe de communication de ces modifications apportées au registre doit être spécifié afin de s’assurer que les informations sur les bénéficiaires effectifs restent d’actualité. Les registres publics peuvent également rendre publiques des informations obsolètes dans le but d’alerter les utilisateurs de données. L’obligation de soumettre des mises à jour fréquentes du registre peut s’accompagner d’une hausse des coûts de conformité à prendre en considération lors de la conception d’un système de vérification.

Exigence de confirmation des informations existantes

Les entités de divulgation doivent contrôler et confirmer régulièrement (au moins tous les ans) que les informations sur leurs bénéficiaires effectifs sont exactes et à jour. Cette procédure peut être intégrée aux processus existants (par exemple, les déclarations annuelles). En l’absence d’autres contrôles, néanmoins, cette mesure est inefficace.

Exemple : l’Ukraine

Afin de garantir une mise à jour constante des informations sur les bénéficiaires effectifs, le ministère ukrainien de la Justice a adopté l’ordonnance n° 2824/5 portant « Sur les modifications de certains formulaires de demande d’enregistrement national des entités juridiques, des entrepreneurs individuels et de l’organisation publique » en 2018, qui oblige les entreprises à actualiser les informations sur leurs bénéficiaires effectifs en cas de modification apportée au Registre national unifié, ou à confirmer que les informations sont toujours d’actualité. [11]

Veiller à ce que les informations suspectées d'être incorrectes fassent l'objet d'une enquête

Exigence de signalement des saisies et activités suspectes

Les organes qui gèrent les données relatives aux bénéficiaires effectifs doivent être tenus de signaler toute transmission et activité suspecte aux organismes compétents. Par ailleurs, ils doivent être habilités à mener une enquête (par exemple, dans le cadre des vérifications préalables, le secteur privé peut rendre compte à la cellule de renseignement financier concernant les signalements liés au blanchiment d’argent). Il est important que les cellules de renseignement financier disposent des ressources nécessaires pour enquêter sur des signalements (voir l’exemple).

Exemple : le Royaume-Uni

Depuis janvier 2020, les secteurs soumis aux règlementations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme sont tenus de signaler toute divergence entre les informations sur les bénéficiaires effectifs disponibles à la Companies House, et les informations obtenues grâce à leurs contrôles de conformité. [12]

Exemple : les Pays-Bas

On estime que 16 milliards d’euros sont blanchis aux Pays-Bas chaque année. Bien que les entités aient signalé 60 000 transactions suspectes en 2018, la cellule de renseignement financier a estimé que seulement 15 000 d’entre elles étaient réellement suspectes. Toutefois, la cellule est soupçonnée d’être en mesure d’enquêter sur un nombre bien inférieur seulement, en raison d’une pénurie de ressources (humaines). [13]

Alertes

Des systèmes peuvent être configurés afin de détecter les schémas d'utilisation de véhicules juridiques à des fins illicites. Cette mesure est susceptible d’être très spécifique au contexte. La configuration de ces systèmes sera plus facile à réaliser dans des systèmes numérisés avec des informations sur les bénéficiaires effectifs sous forme de données structurées. Il est également de faire appel à l’IA et aux technologies d’apprentissage automatique. Avec l’ajout de contrôles des alertes et le recoupement des informations sur les bénéficiaires effectifs avec d’autres registres, le nombre de saisies faussement signalées comme suspectes risque d’augmenter, ce qui réduira leur utilité. Par conséquent, il est important d’envisager l’adoption de mécanismes visant à limiter ces erreurs, et d’introduire un processus fondé sur des règles pour répondre à ces divergences.

Exemple : l’Ukraine

En Ukraine, le groupe de travail sur la vérification « Up to 100% » a proposé plusieurs systèmes de vérification qui déclenchent automatiquement des alertes en fonction des structures existantes utilisées à des fins illicites. Par exemple, il est courant en Ukraine de citer un ouvrier comme bénéficiaire effectif. Le système proposé pourrait automatiquement alerter les enquêteurs lorsqu’une personne est déclarée comme bénéficiaire effectif d’une entreprise rentable alors que les informations fiscales prouvent que son salaire est bien inférieur à celui attendu d’un propriétaire d’une telle entreprise. [14]

La plupart des régimes de déclaration de la propriété effective déploieront plusieurs de ces mécanismes de vérification, dont la liste n’est pas exhaustive, qui s’inscrivent largement dans le cadre de ces trois approches. Aucune approche n’est meilleure qu’une autre. D’ailleurs, la réussite dépend en grande partie du contexte dans lequel elle est déployée et des autres contrôles mis en place. Par conséquent, les pays devraient adopter une approche globale et complète de la vérification fondée sur le risque et garder à l’esprit les principaux objectif su système de vérification comme moyen permettant de faciliter l’utilisation des données et, ce faisant, l’impact des politiques.

Notes de bas de page

[6] OpenOwnership, « Briefing: The case for beneficial ownership as open data ». Juillet 2017. Disponible à l’adresse : https://www.openownership.org/uploads/briefing-on-beneficial-ownership-as-open-data.pdf [Consulté le 20 avril 2020].

[7] Ibid.

[8] OpenOwnership, The B Team et The Engine Room, « Data Protection and Privacy in Beneficial Ownership Disclosure ». Mai 2019. Disponible à l’adresse : https://www.openownership.org/uploads/oo-data-protection-and-privacy-188205.pdf [Consulté le 20 avril 2020].

[9] Global Witness, « The Companies We Keep ». 2016. Disponible à l’adresse : https://www.globalwitness.org/documents/19400/Briefing_The_Companies_We_Keep.pdf [Consulté le 20 avril 2020].

[10] GAFI, « Best Practices on Beneficial Ownership for Legal Persons ». Octobre 2019. Disponible à l’adresse : https://www.fatf-gafi.org/media/fatf/documents/Best-Practices-Beneficial-Ownership-Legal-Persons.pdf [Consulté le 20 avril 2020].

[11] D’après « Concept of a mechanism for verifying the reliability of information on UBO » partagé avec OpenOwnership par le groupe de travail sur la vérification « Up to 100% », ainsi que les discussions avec les membres du groupe de travail en février 2020.

[12] HM Treasury, « The Money Laundering and Terrorist Financing (Amendment) Regulations ». 2019. Disponible à l’adresse : http://www.legislation.gov.uk/uksi/2019/1511/made/data.pdf [Consulté le 20 avril 2020].

[13] Trouw, « Belastingadviseurs: ‘Overheid is te slap tegen witwassen’ ». 9 février 2020. Disponible à l’adresse : https://www.trouw.nl/economie/belastingadviseurs-overheid-is-te-slap-tegen-witwassen~b0f40eff/ [Consulté le 20 avril 2020].

[14] D’après « Concept of a mechanism for verifying the reliability of information on UBO » partagé avec OpenOwnership par le groupe de travail sur la vérification « Up to 100% », ainsi que les discussions avec les membres du groupe de travail en février 2020.

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