Guide de mise en œuvre de la transparence de la propriété effective

Publication d'informations sur les bénéficiaires effectifs

Cette section explique comment les pays peuvent publier les données relatives aux bénéficiaires effectifs, conformément à la législation locale sur la protection des données et de la vie privée ou, à défaut, aux normes internationales dédiées aux données et à leur confidentialité.

Meilleures pratiques pour la publication des données

La section sur les Données se penche sur la manière dont la norme BODS peut faciliter la structuration efficace des données relatives aux bénéficiaires effectifs, pour les rendre lisibles par une machine et par les êtres humains, mais aussi pour en garantir l’interopérabilité avec des informations provenant d’autres juridictions.

Comme l’ont prouvé plusieurs expériences de mise en œuvre à l’échelle internationale, le concept d’accès public à un registre peut varier et différer de sa définition dans le Principe OO d’accès public. Par exemple, au sein d’une juridiction, toutes les données peuvent être accessibles sans obligation d’inscription, tandis que, dans une autre, elles peuvent être disponibles uniquement après le règlement de frais appliqués à chaque dossier. Même si ces deux cas entrent techniquement dans la définition d’un accès public, l’accessibilité des données diffère de manière importante. L’utilisation et l’impact des données relatives aux bénéficiaires effectifs sont susceptibles d’être plus importants lorsque les informations sont fournies dans un format ouvert, c’est-à-dire quand elles sont disponibles gratuitement en ligne en tant que données ouvertes et ne sont pas soumises à une licence restrictive. En outre, le grand public doit pouvoir mener des recherches en fonction du nom de l’entreprise et du bénéficiaire effectif, effectuer des téléchargements en masse et réutiliser les données, et ce, sans s’acquitter de quelques frais que ce soit, d’être obligées d’utiliser un logiciel spécifique ou de s’inscrire. En outre, certains gouvernements choisissent de mettre les données relatives aux bénéficiaires effectifs via des méthodes supplémentaires, par exemple une API permettant un accès direct à des données lisibles par une machine, qui peuvent ensuite être utilisées pour alimenter d’autres outils et produits. [17] Grâce à toutes ces mesures, davantage de personnes utilisent les données, ce qui en renforce l’impact et facilite l’examen indépendant. Les avantages qui peuvent en découler sont décrits dans la note d’orientation politique d’OO intitulée Rendre publics les registres centraux des bénéficiaires effectifs.

Enfin, il est important de préciser que les données relatives aux bénéficiaires effectifs historiques doivent être conservées et mises à la disposition du public. Comme expliqué dans le Principe OO de données actualisées et vérifiables, en conservant les données historiques, une entité ne peut pas dissimuler son identité en changeant de nom, ou un bénéficiaire effectif ne peut pas se cacher derrière une reconstitution. En outre, des enquêtes peuvent être menées dans le cadre d’affaires judiciaires complexes. Les documents historiques et vérifiables sont indispensables aux autorités d’enquête et de poursuite qui peuvent ainsi vérifier la propriété effective d’une entreprise. Les modifications historiques peuvent être citées en référence lors d’une enquête si l’exactitude des données est remise en question. De plus, elles peuvent prouver qui était au courant et de quoi afin de déterminer, par exemple, si des vérifications préalables ont été effectuées à un moment donné. À l’exception des rédactions sous un régime de protection, les données relatives aux bénéficiaires effectifs doivent être conservées et publiées tout au long de l’existence d’une entreprise, a minima, et après sa dissolution dans l’idéal.

Limitation des éventuelles conséquences négatives d’un accès public

Les données relatives aux bénéficiaires effectifs ont été publiées dans des dizaines de pays et juridictions. Selon les opposants aux registres publics, cette publication engendre de graves risques de sécurité pour certaines personnes. Par exemple, en Allemagne, des parties prenantes ont évoqué les problèmes d’usurpation d’identité et d’enlèvement. Comme des recherches l’ont prouvé, même si les directeurs et directrices d’entreprise sont plus sujets au risque d’être victimes d’une usurpation d’identité, ce risque est décuplé lorsque leurs informations personnelles ont déjà été publiées en ligne, notamment sur les réseaux sociaux. Les recherches menées par OO dans plusieurs juridictions dotées de registres de données ouvertes sur les bénéficiaires effectifs n’ont identifié à ce jour aucun exemple documenté de dommages générés par la publication des informations.

Les éventuels avantages de la publication des données relatives aux bénéficiaires effectifs doivent être appréhendés à la lumière des possibles effets néfastes des atteintes à la protection de la vie privée. Les résultats obtenus varieront en fonction de la juridiction. Chaque autorité en charge de la mise en place de la réforme sur la transparence de la propriété effective devra donc évaluer les éventuelles conséquences en consultant les parties prenantes. Jusqu’à présent, les registres ont été principalement mis en œuvre dans les pays du Nord. Si les réformes de la propriété effective sont étudiées dans d’autres contextes, il est probable qu’elles se confrontent à un ensemble spécifique de dommages éventuels. Par exemple, l’expérience d’OO qui a soutenu la mise en œuvre d’une réforme sur la transparence de la propriété effective au Mexique a révélé des inquiétudes particulières concernant les risques en matière de sécurité personnelle (tel que les enlèvements) dans le cadre du contexte mexicain en matière juridique et de sécurité. Les débats qui se sont déroulés dans ce pays ont mis en lumière des inquiétudes similaires autour de la déclaration de patrimoine des agents publics. Indépendamment des inquiétudes exprimées, les autorités chargées de la mise en œuvre de la réforme sur la transparence de la propriété effective peuvent prendre plusieurs mesures pour garantir la limitation des dommages éventuels (voir également la Figure 1) :

1) Respect du principe de minimisation des données

Les exécutants doivent se conformer au principe de minimisation des données en collectant uniquement les données adéquates (suffisantes aux objectifs politiques déclarés), pertinentes (ayant un lien rationnel avec ces objectifs) et limitées aux informations nécessaires (n’excédant pas ces objectifs). Les régimes de divulgation ne doivent pas collecter de données inutiles, et surtout pas de données sensibles (par exemple l’apparence physique ou l’origine), qui doivent souvent respecter un seuil légal plus élevé pour être traitées. En pratique, les gouvernements devront donc légiférer avec prudence sur les données à recueillir. Par exemple, ils peuvent déterminer qu’il est suffisant de collecter les adresses professionnelles, au lieu des adresses personnelles, pour atteindre les objectifs de leur politique sur la transparence de la propriété effective.

2) Adoption d’un système d’accès limité

Une méthode courante de gestion des éventuels problèmes de publication liés aux données personnelles consiste à mettre en œuvre un système d’accès limité dans lequel plusieurs publics ont accès à différentes informations. Même si les autorités en charge des investigation sont accès à toutes les informations des bénéficiaires effectifs (y compris leurs coordonnées et leur date de naissance complète), [18] les données publiées seront plus limitées, mais suffisantes pour la redevabilité et la surveillance publique (par exemple, une adresse de service au lieu d’une adresse personnelle). Les formulaires de divulgation des données relatives aux bénéficiaires effectifs seront uniquement mis à la disposition des autorités compétentes et pas à celle du grand public, afin d’éviter toute confusion éventuelle et de diminuer les objectifs en matière de confidentialité au moment de la mise en œuvre.

3) Application d’un régime de protection

Les autorités chargées de la mise en œuvre de la politique sur la transparence de la propriété effective chargées de la mise en œuvre de la politique sur la transparence de la propriété effective peuvent adopter une autre approche pour limiter les éventuels effets néfastes engendrés par la publication des données, à savoir formuler des exceptions à la publication lorsqu’une personne court des risques disproportionnés. Il s’agit d’une caractéristique courante de la plupart des régimes de transparence de la propriété effective. De telles exceptions doivent permettre de limiter les risques découlant de la publication des données. Par exemple, une personne peut appartenir à une communauté religieuse spécifique et être le bénéficiaire effectif d’une entreprise dont les activités sont en contradiction avec les principes de cette religion. Le régime de protection doit également inclure les risques liés à la publication de toute donnée personnelle. Par exemple, il est tout à fait légitime de ne pas publier le nom et l’adresse postale d’une personne victime de harcèlement. Un régime de protection doit être accompagné d’un système d’application en vertu duquel une partie voire la totalité des champs de données est protégée avant la publication lorsque cela est étayé par des données factuelles. Ces champs doivent être passés en revue conformément à un ensemble de conditions strictement définies afin d’éviter de créer d’importantes failles dans un régime de divulgation.

Figure 1. Limitation des éventuelles conséquences négatives d’un régime de divulgation de la propriété effective
Guide Limitation des éventuelles conséquences négatives d’un régime de divulgation de la propriété effective

Pour en savoir plus sur les avantages de la publication des données relatives aux bénéficiaires effectifs et sur les stratégies permettant de limiter toute conséquence négative éventuelle, veuillez consulter les notes d’orientation d’OO intitulées Rendre publics les registres centraux des bénéficiaires effectifs et Data Protection and Privacy in Beneficial Ownership Disclosure. (Protection des données et de la vie privée lors de la divulgation des informations sur les bénéficiaires effectifs). Pour obtenir des informations supplémentaires sur l’équilibre entre l’intérêt du grand public et les questions privées dans le cas des trusts, veuillez consulter la note d’orientation d’OO intitulée Beneficial ownership transparency of trusts.

Concernant les études de cas de l’impact émergent des registres publics, lisez la publication d’OO intitulée Early impacts of public registers of beneficial ownership: Slovakia et United Kingdom.

Notes de bas de page

[17] En Ukraine, YouControl utilise les données relatives aux bénéficiaires effectifs provenant du registre d’État des entreprises comme principale source d’informations en vue d’alimenter son outil innovant de vérifications préalables commerciales. Autre exemple, au Royaume-Uni, Sqwyre associe de grands volumes de données tirées du registre britannique à d’autres sources d’information afin de conseiller les entreprises sur la manière dont la sélection de l’implantation de leurs activités peut influer sur leurs gains.

[18] Tymon Kiepe, « Rendre publics les registres centraux des bénéficiaires effectifs », OO, mai 2021, 17, https://www.openownership.org/fr/publications/rendre-publics-lesregistres-centraux-des-beneficiaires-effectifs/.