Sénégal : orientation et évaluation

  • Publication date: 10 November 2022
  • Authors: Michael Barron, Moussa Gueye, Favour Ime, Tim Law
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Résumé exécutif

Le présent rapport examine l’état des lieux actuel de la propriété effective au Sénégal. Il explore le cadre législatif de la propriété effective, le système utilisé pour collecter les données relatives aux bénéficiaires effectifs et l’accessibilité de ces données au public. S’appuyant sur les principes Open Ownership (principes OO), ce rapport évalue les mesures que le Sénégal devrait adopter afin de mettre en place un registre public des bénéficiaires effectifs couvrant l’ensemble de l’économie.

La mise en place d’un tel registre peut procurer de réels avantages à l’économie du pays et permettre de mieux comprendre qui investit dans l’économie, tout en contribuant à la lutte contre la corruption, le blanchiment d’argent et autres activités financières illicites. Le Sénégal a déjà pris un certain nombre de mesures sur la transparence de la propriété effective (TPE), notamment en intégrant une définition de la propriété effective dans la loi et en mettant en place un système de déclaration des bénéficiaires effectifs pour répondre aux exigences de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE).

Cependant, le pays ne respecte pas encore les bonnes pratiques internationales en matière de déclaration de la propriété effective. L’organe régional du Groupe d’action financière (GAFI), le Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (GIABA), a évalué la conformité du Sénégal vis-à-vis de la recommandation sur la propriété effective. Il a publié son rapport d’évaluation mutuelle (REM) en mai 2018 et le Sénégal s’est vu attribuer des notes comprises entre faible et non conforme pour sa mise en œuvre de la TPE. [1] Le REM note qu’” il n’existe pas dans le pays de dispositif juridique et institutionnel d’identification des bénéficiaires effectifs des transactions et des propriétaires réels des personnes morales ». [2]

S’appuyant sur nos recherches documentaires et les réunions de consultation avec les principaux organismes de mise en œuvre, le présent rapport constate que depuis le REM du GIABA en 2018, le gouvernement a pris des mesures en matière de TPE, qui comprennent :

  1. La transposition en droit interne de la directive de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux (LBC) [3]; [4]
  2. L’adoption d’un document de stratégie nationale de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LFT) pour 2019-2024 ;
  3. La mise en œuvre d’un décret présidentiel, [5] qui instaure un système de déclaration des bénéficiaires effectifs pour les industries extractives, notamment en exigeant des données relatives à ces bénéficiaires de la part de toutes les entreprises détenant ou postulant à des licences d’extraction, et en les collectant dans le Registre du Commerce et du Crédit mobilier (RCCM) ; et
  4. La modification du Code général des impôts par la Loi de finances 2021, ayant instauré une obligation légale, néanmoins non exécutoire à ce jour, pour les entreprises d’identifier et de déclarer leur propriété effective à l’administration fiscale.

Le présent rapport révèle également ce qui suit :

  1. Lors de la Validation ITIE, il a été estimé que le Sénégal avait pleinement satisfait aux critères initiaux concernant la mise en œuvre de l’Exigence 2.5 sur la TPE ;
  2. Il n’existe aucune obligation légale pour le gouvernement de créer et de tenir un registre public des bénéficiaires effectifs ;
  3. Le seul moyen pour le public d’accéder aux données relatives à la propriété effective est le processus de déclaration de l’ITIE. Ce dernier présente néanmoins certaines limites, notamment concernant l’absence de couverture complète du secteur extractif ;
  4. Actuellement, trois définitions de la propriété effective ont cours au Sénégal. Bien qu’elles aient des éléments communs, ces définitions présentent aussi des différences notables ;
  5. Les informations sur la propriété effective ne sont pas présentement soumises à une vérification rigoureuse ; et
  6. Les sanctions pour non-conformité aux exigences de déclaration de la propriété effective ne sont pas actuellement appliquées.

Les principales recommandations de ce rapport portent sur la mise en place d’une législation spécifique visant à créer un registre public des bénéficiaires effectifs et à le tenir à jour. Le gouvernement devrait également mettre en place un groupe de travail pluridisciplinaire chargé de rédiger cette législation et de donner son avis sur les décisions politiques. Le rapport formule également plusieurs recommandations sur le contenu d’une telle législation relative à la propriété effective.

Notes de bas de page

[1] Voir Mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, Sénégal, Rapport d’évaluation mutuelle, novembre 2018

[2] Voir http://www.fatf-gafi.org/media/fatf/documents/reports/mer-fsrb/GIABA-Mutual-Evaluation-Senegal-2018.pdf

[3] Directive n° 02-2015-CM-UEMOA relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans les États membres de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA)

[4] Voir https://itie.sn/reglementation/

[5] Ibid

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